Il y a des mots qui reviennent en boucle sur les réseaux : pollution, exploitation, fast fashion. Et un nom qui cristallise toutes les colères : Shein.
Mais derrière cette guerre contre Shein se cache un malaise bien plus vaste — celui d’une société qui veut se donner bonne conscience en pointant du doigt les plus fragiles, pendant qu’elle ferme les yeux sur les véritables causes du problème.
Parce que oui, il est facile de juger celles qui remplissent leur panier virtuel pour vingt euros. Mais qui parle du fait qu’en 2025, en France, une femme ronde a toujours du mal à trouver un vêtement à sa taille, tendance et abordable ?
Les femmes rondes, premières oubliées de la mode “morale”
Quand Nely, une TikTokeuse grande taille, raconte qu’elle “n’a littéralement plus d’endroit où s’habiller sans Shein”, elle ne cherche pas à excuser la fast-fashion.
Elle décrit juste une réalité que beaucoup ignorent : la majorité des enseignes françaises ont déserté les rayons grandes tailles ou proposent des pièces hors de prix, tristes et démodées.
Shein, qu’on le veuille ou non, a permis à des milliers de femmes rondes de renouer avec le plaisir de s’habiller. De se sentir belles, féminines, stylées — sans devoir vendre un rein pour un jean qui ferme.
Alors oui, certains préfèrent fermer les yeux sur cette réalité et brandir leurs convictions écolos. Mais ces mêmes voix militantes ont souvent des armoires pleines de Zara, Nike, Apple Watch au poignet, et la dernière coque signée Cupertino. L’hypocrisie n’a jamais été aussi bien habillée.
@sarabilafraise ♬ son original – SARABI
Une “guerre contre Shein” à deux vitesses
Dans la bouche de ses détracteurs, Shein serait le symbole du mal moderne : surconsommation, pollution, exploitation.
Mais comme le dit si bien Djojolabelette dans sa vidéo : “Tout ce que tu achètes, c’est made in China. Arrêtez un peu.”
Il n’a pas tort.
Les vêtements de Kiabi, Auchan, ou même les joggings Nike viennent des mêmes usines.
Ce n’est donc pas un combat contre l’exploitation : c’est un combat contre la visibilité de la pauvreté.
La guerre contre Shein dérange parce qu’elle met sous nos yeux ce que beaucoup veulent ignorer : les classes populaires consomment autrement.
Elles n’achètent pas pour la posture, elles achètent pour vivre.
Et dans un monde où le prix du panier alimentaire explose, il est indécent de pointer du doigt celles et ceux qui veulent juste un vêtement neuf, joli et à leur taille.
Shein, miroir d’un système économique malade
“Un Français sur quatre saute un repas par jour pour des raisons financières”, rappelle le TikTokeur Tomakumba3.
Et pourtant, la polémique du moment serait l’ouverture d’un magasin Shein.
C’est presque grotesque.
Au lieu de dénoncer la pauvreté croissante, on s’indigne d’une marque qui tire profit de cette misère.
Mais Shein ne fait que répondre à une demande sociale : celle de gens qui n’ont plus les moyens de payer un t-shirt 50 euros.
L’énergie dépensée à boycotter Shein pourrait être mise à réclamer des salaires décents, une TVA réduite sur les produits essentiels, ou des politiques de mode inclusive et responsable.
Mais non.
Il est plus simple de juger les consommateurs que de remettre en question le système.
@djojolabelette C’est que le l’hypocrisie pk tu n’irai pas acheter la bas #inflation #lepen #gouvernement #viralvideos #bfmtv ♬ son original – jojolabelette
“Faut pas rendre le Français moyen pauvre”
C’est le cri du cœur d’Esteb Munoz, un autre créateur qui résume tout :
“Faut pas rendre le Français moyen pauvre, fallait augmenter son salaire. Parce que quand une robe Zara coûte 80 euros et la même 30 chez Shein, faut pas s’étonner.”
Cette phrase résonne comme une gifle.
On veut faire culpabiliser les gens pour leurs choix, alors que ce sont les conséquences de décennies d’inégalités.
Les vêtements de luxe, les collections “responsables” à 200 euros, les friperies hors de prix à Paris : tout ça, c’est un marché réservé à ceux qui peuvent se payer le luxe de leur morale.
Les autres, eux, se débrouillent.
Ils font avec ce qu’ils ont.
Et oui, parfois, ce qu’ils ont, c’est Shein.
L’inclusivité, un privilège réservé ?
Il faut aussi parler d’une autre injustice : l’inclusivité des tailles est devenue un privilège.
Les grandes enseignes occidentales se targuent de campagnes bodypositive, mais dans leurs rayons, les tailles s’arrêtent au 44.
C’est une façon douce de dire : “tu es bienvenue sur nos affiches, pas dans nos cabines d’essayage”.
Shein, au contraire, a compris qu’il existait une clientèle ronde, jeune, moderne, et qu’elle voulait être servie.
C’est un constat amer : il aura fallu une multinationale chinoise pour offrir aux femmes rondes ce que la mode française refuse encore — le droit au style sans restriction.
@tomakumba3 ♬ son original – tomakumba
Le vrai combat : pour la dignité, pas contre Shein
Shein n’est pas un modèle éthique, loin de là.
Mais s’en prendre à ses clients, c’est tirer sur la mauvaise cible.
Le vrai combat n’est pas une guerre contre Shein, c’est une lutte pour que chacun puisse consommer sans honte, sans être pointé du doigt, et sans devoir choisir entre s’habiller ou manger.
Les femmes rondes n’ont pas besoin de leçons de morale.
Elles ont besoin d’alternatives crédibles, accessibles, et respectueuses.
Elles ont besoin d’une mode qui ne les exclut pas au nom d’une éthique de façade.
Tant qu’un vêtement grande taille à la mode coûtera plus cher qu’un plein d’essence, Shein continuera de gagner.
Pas parce qu’il est vertueux, mais parce qu’il remplit un vide que personne d’autre ne veut combler.
@estebmunoz Les gens sont devenus égoïste, parce que le monde est devenu injuste. #shein #bhv #pauvre #consommation #fastfashion ♬ son original – Esteban Munoz
Et si on changeait de discours ?
Plutôt que d’humilier celles qui commandent chez Shein, posons-nous la vraie question :
pourquoi en 2025, la France laisse encore des millions de femmes sans solution vestimentaire digne ?
Le problème n’est pas Shein.
Le problème, c’est un système de consommation qui nourrit les inégalités tout en se drapant de vertu.
Alors oui, on peut vouloir consommer mieux.
Mais on peut aussi comprendre celles qui, faute d’alternatives, choisissent simplement de se sentir belles.
Parce que la dignité passe parfois par une robe à 20 euros.
Et ça, ce n’est pas une honte — c’est une réalité.
Images par IA









