Je dois l’avouer, je suis très déçue. On nous annonçait l’arrivée de Shein au BHV comme un grand tournant. Un moment presque historique pour celles qui, comme moi, vivent dans un monde où trouver un rayon grande taille relève du miracle. Et puis, une fois sur place, c’est la douche froide. Pas une seule pièce au-delà du 44. Pas une coupe pensée pour des courbes généreuses. Pas un centimètre de tissu pour les silhouettes rondes. Rien.
Shein nous a oublié !
Ce qui frappe, c’est cette impression de déjà-vu. Cette scène qu’on connaît trop bien. Tu arrives pleine d’espoir, tu descends dans le magasin, tu regardes autour de toi, et tu réalises en quelques secondes que, encore une fois, on n’a pas pensé à toi. Paris, ville lumière, ville mode… mais pas ville du rayon grande taille. C’est presque comique, si ce n’était pas si lassant.

Et pourtant, que de leçons on a dû entendre à propos de Shein.
À chaque fois qu’une femme ronde osait poster une tenue achetée chez eux, il y avait toujours quelqu’un pour venir expliquer qu’elle alimentait “le système”, qu’elle encourageait un modèle économique critiquable. Comme si porter un vêtement qui nous va était une faute. Comme si nous avions mille alternatives responsables, inclusives, accessibles et… disponibles en magasin. Il faut rester sérieux deux minutes.
Alors quand Shein débarque enfin en plein cœur de Paris, au BHV, on se dit que ce serait peut-être l’occasion d’avoir un rayon physique qui inclut des tailles réelles. Une opportunité de montrer que la mode peut exister au-delà du 42. Une chance de dire : “vous avez votre place, vous aussi, ici”.
Et puis… non. Même pas un petit coin, même pas un portant perdu au fond. On remet un couvercle invisible sur le sujet, comme si le rayon grande taille était quelque chose qu’on doit garder uniquement en ligne, caché, presque gênant.
Cette absence n’est pas anodine.
Elle rappelle que les personnes grosses ne sont toujours pas pleinement les bienvenues dans certains espaces. On peut consommer, oui. Mais de loin. Derrière un écran. Sans déranger.
Et ce qui dérange le plus, c’est cette contradiction permanente. On nous répète que la mode doit être plus inclusive, que les marques doivent écouter leurs clientes, que les grands magasins doivent évoluer avec leur époque. On nous parle de diversité dans les défilés, de campagnes qui célèbrent “tous les corps”, de mannequins plus variés… mais dans la vraie vie, dans les rayons, dans les portants, dans le concret, rien ne change.

Le rayon grande taille reste un mythe, une promesse marketing, une ligne sur un communiqué de presse. Pas une réalité dans la rue, pas une réalité dans les boutiques. C’est ça, finalement, qui fatigue : le fossé immense entre les beaux discours et le simple geste d’avoir des vêtements accessibles pour toutes.
Et si on prenait enfin notre place ?
Parce qu’au fond, ce n’est pas seulement une histoire de vêtements. C’est une question de légitimité. De présence. De droit d’exister dans les mêmes espaces que tout le monde, sans devoir se cacher derrière un panier virtuel.
Les personnes rondes ne disparaîtront pas parce qu’on refuse de leur offrir un rayon. Elles ne cesseront pas d’aimer la mode parce qu’un magasin a décidé qu’elles prenaient trop de place sur un portant.
Alors oui, aujourd’hui, Shein nous ignore au BHV. Mais demain, c’est peut-être nous qui ferons bouger les lignes, par notre visibilité, notre colère constructive, notre solidarité, nos achats réfléchis, nos vide-dressings, nos marques qui émergent et nos voix qui refusent de se taire. On n’attend pas qu’on nous invite : on entre, on avance, et tôt ou tard, le rayon grande taille devra suivre.
Images par IA









