De nos jours, la lutte contre les discriminations est au cœur des débats. On parle souvent de racisme, de sexisme, d’homophobie, mais un sujet reste encore trop souvent tabou et invisible : la grossophobie. Pourtant, elle touche de nombreuses personnes à travers le monde et peut avoir des conséquences dramatiques sur la santé physique et mentale des individus. En tant que personne obèse, je suis moi-même confrontée à cette réalité et je suis consciente de mes propres biais grossophobes. Dans cet article, je vais vous parler de mon expérience personnelle en tant que personne grossophobe et partager avec vous des pistes pour déconstruire ces réflexes… Car oui, je l’assume, je suis grossophobe.
Qu’est-ce que la grossophobie ?
La grossophobie est un terme encore peu connu du grand public. Pourtant, il s’agit d’une forme de discrimination et de stigmatisation envers les personnes en surpoids ou obèses. Elle peut se manifester de différentes manières, à travers des actes, des paroles, des comportements ou même des pensées.
Les personnes grossophobes peuvent avoir des préjugés et des stéréotypes négatifs envers les personnes en surpoids, considérant qu’elles sont paresseuses, sans volonté, ou encore qu’elles ne prennent pas soin de leur santé. Ces attitudes peuvent conduire à une exclusion sociale, des moqueries, des discriminations à l’embauche, ou encore des difficultés dans les lieux publics, tels que l’accès aux transports en commun ou aux équipements sportifs.
Malheureusement, la société véhicule une image idéale du corps mince, et tout ce qui s’en éloigne est souvent jugé et stigmatisé. La grossophobie n’épargne personne, de l’enfance à l’âge adulte, les personnes grosses sont constamment sujettes à des remarques blessantes, à des regards désapprobateurs, ou encore à des discriminations dans leur vie quotidienne.

La grossophobie intériorisée : un poids invisible.
Même en tant que personne obèse, j’ai longtemps été ma pire juge. Cette petite voix dans ma tête qui me disait « tu serais mieux si tu perdais 20 kilos », elle ne vient pas de nulle part. Elle est le fruit de dizaines d’années à entendre que les corps comme le mien ne sont pas dignes d’amour, de respect ou de succès.
La grossophobie intériorisée, c’est croire qu’on doit maigrir pour être valorisée. C’est se dire qu’on n’a pas le droit de porter des couleurs vives, de danser librement ou de s’aimer tel qu’on est. C’est un poison lent, insidieux, qui s’installe dans notre regard sur nous-mêmes. Aujourd’hui, je le repère, je le confronte. Mais il m’arrive encore de me sentir en décalage avec cette bienveillance que j’essaie d’appliquer aux autres… et pas toujours à moi-même.
Quels sont mes biais grossophobes ?
En tant que personne ronde ou obèse, je suis moi-même consciente des biais grossophobes que je peux avoir. Malgré mes efforts pour déconstruire ces réflexes, ils sont encore présents dans mon esprit, parfois même de manière inconsciente.
Par exemple, je me surprends encore à avoir des pensées négatives lorsque je vois une personne en surpoids. Je me dis « elle devrait faire attention à sa santé », ou encore « elle pourrait perdre du poids si elle faisait attention ». Alors que je suis moi même grosse ! Ces réflexions peuvent sembler anodines, mais elles véhiculent en réalité des stéréotypes grossophobes en associant automatiquement l’obésité à une mauvaise hygiène de vie.
De plus, je suis également victime de la société dans laquelle nous vivons. En tant que personne obèse, je suis constamment confrontée à des publicités pour des produits minceur, des conseils pour perdre du poids, ou encore des mannequins au physique irréel. Ces images peuvent avoir un impact négatif sur mon estime de soi et renforcer mes propres biais grossophobes.

Et si on changeait notre regard ?
Heureusement, les choses bougent. De plus en plus de comptes Instagram, de livres, de marques ou de séries valorisent la diversité des corps. On voit des mannequins grandes tailles en une de magazines, des campagnes publicitaires qui célèbrent toutes les morphologies.
Mais au-delà de la mode ou de l’image, c’est notre regard qu’il faut éduquer. Apprendre à voir la beauté ailleurs que dans les normes. Apprendre à écouter sans juger. À se taire quand une personne grosse parle de ce qu’elle vit, au lieu de lui dire « t’as qu’à faire du sport ».
Changer notre regard, c’est un acte politique. C’est résister. C’est aimer autrement. Et ça commence maintenant.
Comment déconstruire ces réflexes grossophobes ?
Mon combat ! Il n’est pas facile de déconstruire des croyances et des comportements ancrés en nous depuis des années. Cela demande du temps et de la patience. Voici quelques pistes pour déconstruire ces réflexes grossophobes :
- Prendre conscience de ses propres biais : la première étape pour déconstruire ses propres biais grossophobes est de les reconnaître. Prenez le temps de réfléchir à vos pensées et à vos paroles vis-à-vis des personnes en surpoids. Sont-elles basées sur des stéréotypes ? Sont-elles blessantes ?
- S’informer sur l’obésité : il est important de se renseigner sur l’obésité et de comprendre qu’elle peut avoir de multiples causes, telles que des facteurs génétiques, des problèmes hormonaux, ou encore des troubles alimentaires. L’obésité ne se résume pas à de la paresse ou à un manque de volonté.
- Lutter contre les stéréotypes : à travers notre langage, nous pouvons véhiculer des stéréotypes et des préjugés. Il est important de choisir ses mots avec soin et de ne pas utiliser des termes blessants ou infantilisants envers les personnes en surpoids.
- Apprendre à accepter et à célébrer la diversité des corps : il est temps de rompre avec les normes de beauté imposées par la société et de célébrer la diversité des corps. Tous les corps sont uniques et beaux à leur manière. Apprenons à célébrer nos différences plutôt que de les juger.
- Être bienveillant envers soi-même et envers les autres : il est important de se rappeler que chacun a un rapport différent avec son corps et qu’il n’existe pas de corps parfait. Soyons bienveillants envers nous-mêmes et envers les autres, sans jugement ni stigmatisation.

Ces livres et films qui m’ont aidée à changer de regard.
Je ne me suis pas déconstruite toute seule. Ce sont aussi des œuvres, des récits, des voix qui m’ont tendu la main quand je me noyais dans la honte ou les injonctions. Lire, voir, entendre d’autres femmes grosses parler de leur vécu m’a permis d’ouvrir les yeux… et surtout, le cœur.
Le livre Gros n’est pas un gros mot de Daria Marx a été un véritable électrochoc. Pour la première fois, je lisais un témoignage sans filtre, qui mettait des mots précis sur ce que je vivais au quotidien : le regard des autres, la culpabilité, la pression constante de devoir mincir pour exister. Un livre coup de poing, nécessaire, que je relis encore parfois quand mes pensées flanchent.
J’ai aussi été profondément marquée par Miroir, miroir, dis-moi que je suis belle de Gabrielle Deydier. Elle y raconte avec une justesse bouleversante la violence invisible (et parfois très visible) que subissent les personnes grosses, de l’école à l’emploi, en passant par la famille ou les consultations médicales.
Et puis, il y a les œuvres de fiction. Des films qui, même imparfaits, m’ont fait du bien :
- Dumplin’ : une adolescente ronde participe à un concours de beauté pour rendre hommage à sa tante et défier les normes imposées. Le film est touchant, drôle, et surtout très humain.
- I Feel Pretty : cette comédie explore l’idée que la perception de soi peut changer notre rapport au monde. Malgré ses maladresses, elle m’a aidée à réfléchir à la puissance du regard qu’on se porte.
- My Mad Fat Diary (série britannique) : plus confidentielle, mais incroyable de justesse. Rae, l’héroïne, est grosse, drôle, brillante, fragile. Et elle existe. Pleinement.
Ces histoires m’ont aidée à me reconnaître, à pleurer, à rire… et surtout, à me sentir moins seule. Elles m’ont rappelé qu’on peut être grosse et héroïne, qu’on a le droit d’être visible, aimée, libre.
En conclusion
La grossophobie reste encore trop souvent ignorée et minimisée dans notre société. Pourtant, elle peut avoir des conséquences dramatiques sur la santé mentale et physique des personnes en surpoids. En tant que personne obèse, je suis consciente de mes propres biais grossophobes et je fais tout mon possible pour les déconstruire avec bienveillance. J’espère que cet article vous aura permis de prendre conscience de cette réalité et de vous inciter à remettre en question vos propres croyances et comportements. Ensemble, déconstruisons la grossophobie pour une société plus inclusive et bienveillante envers tous les corps.
Source des images : CHAT GPT