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L’obésité n’est pas qu’un chiffre sur la balance ; c’est une maladie chronique complexe qui touche désormais une personne sur huit dans le monde. Dans cet article, nous expliquons pourquoi l’obésité est une maladie chronique, comment elle s’installe, et surtout quelles pistes thérapeutiques et préventives se dessinent pour l’avenir.

Otez‑vous ce poids de la culpabilité !

On entend encore trop souvent : « Il suffirait de manger moins et de marcher plus ! » Comme si le mètre ruban remplaçait la science… Non : l’obésité n’est ni un défaut de caractère ni un simple excès de calories, c’est une maladie chronique, reconnue par l’Organisation mondiale de la santé et, côté Anglo‑Saxons, par l’American Medical Association depuis 2013 [1,2]. Une pathologie complexe, évolutive, qu’il faut aborder avec le même respect qu’un diabète ou une hypertension. Alors, soufflez : vous n’êtes pas une équation de calories ; vous êtes un être humain, et la science progresse pour vous.

Qu’est‑ce qu’une maladie chronique ?

Par définition, une maladie chronique dure depuis plus de trois mois, évolue par poussées ou de façon continue et nécessite un suivi au long cours. Notre bon vieux Hippocrate en aurait déjà parlé, lui qui conseillait de « guérir souvent, soulager parfois, consoler toujours ». Aujourd’hui, nous parlons d’une maladie dont l’incidence globale a plus que doublé chez l’adulte depuis 1990, touchant désormais une personne sur huit dans le monde [3]. La chronicité explique pourquoi les approches « coup de poing » — régimes miracles, boot‑camps express — s’essoufflent : on ne traite pas une pathologie permanente par une solution éphémère.

L’organe adipeux, ce chef d’orchestre en surchauffe

Le tissu adipeux n’est pas un simple garde‑manger. C’est un organe endocrinien qui dialogue avec le cerveau (via la leptine), le foie, le muscle et même l’intestin. L’équipe française de la Pre Karine Clément l’a démontré dès 1998 : une mutation du récepteur de la leptine coupe le téléphone rouge entre gras et cerveau, déclenchant une faim insatiable et une obésité sévère [4]. Quand les adipocytes grossissent, ils se raidissent, s’enflamment et recrutent des cellules immunitaires. Résultat : le chef d’orchestre joue faux, ses musiciens — les autres organes — déraillent et la cascade des complications s’enclenche.

Des origines multiples : gènes, environnement et chrono‑culture

Sur le plan génétique, plus de 250 loci influencent le poids ; certaines mutations rares, comme celles du récepteur MC4R, expliquent jusqu’à six pour cent des obésités sévères. L’épigénétique intervient également : in utero, l’alimentation de la mère imprime déjà des marques qui moduleront le risque plus tard. L’environnement moderne — marketing alimentaire, sédentarité numérique, perturbateurs endocriniens — ajoute sa note dissonante. Enfin, la culture et le rythme de vie jouent un rôle : nos grands‑parents soupaient tôt et dansaient le bal musette ; nous scrollons TikTok après minuit. L’obésité est donc un tango permanent entre gènes et société ; accuser uniquement la fourchette revient à danser sans partenaire.

Pourquoi dit‑on « maladie chronique » ? Les complications parlent d’elles‑mêmes

Quand l’organe adipeux reste malade des années, il favorise l’hypertension artérielle, la dyslipidémie, l’infarctus, le diabète de type 2, l’apnée du sommeil, l’asthme, la stéatohépatite, la cirrhose métabolique ainsi qu’un risque accru de cancers — notamment du sein, du côlon ou du rein. La liste est longue comme un jour sans pain complet, d’où l’urgence de prendre l’obésité au sérieux sur la durée [1].

Études cliniques : la révolution GLP‑1 et consœurs

Les données cliniques récentes sont parlantes. Dans l’essai STEP 1, le sémaglutide a permis une réduction moyenne de 14,9 % du poids corporel en 68 semaines [5]. L’étude STEP 5, prolongée sur 104 semaines, confirme une perte durable proche de 15 % [6]. Encore plus spectaculaire, le tirzépatide, évalué dans SURMOUNT‑1, atteint une perte de poids d’environ 20,9 % en 72 semaines [7]. Ces résultats rappellent qu’un traitement destiné à une maladie chronique doit se poursuivre dans le temps : interrompre l’injection revient à fermer son parapluie en plein orage.

Prendre soin de soi : un suivi en quatre temps

Tout d’abord, une évaluation médicale personnalisée est indispensable : elle comporte bilan sanguin, dépistage des complications et, parfois, analyse génétique. Vient ensuite l’alimentation de tradition : on honore la table familiale, légumes de saison et pain au levain, en apprenant à portionner sans diaboliser. Le troisième axe concerne le mouvement plaisir : inutile de courir un marathon, la marche au marché, le jardinage ou une danse folklorique comptent déjà. Enfin, le soutien psychologique et collectif — groupes de parole, thérapies cognitives, applications de suivi — renforce l’adhésion. L’essentiel est de comprendre que la rechute n’est pas un échec moral mais une expression de la maladie chronique ; on ajuste, on persévère.

Respecter le passé, embrasser l’avenir

Nos aïeuls connaissaient déjà le temps du pot‑au‑feu, plat mijoté riche en fibres solubles et pauvre en sucres rapides. Gardons cette sagesse culinaire tout en profitant des avancées contemporaines : télésuivi glycémique, profilage du microbiote, et bientôt des thérapies anti‑fibrose du tissu adipeux, actuellement en phase II à la Pitié‑Salpêtrière. Tradition et innovation forment un duo plus savoureux qu’un pain‑beurre.

Demain : la médecine de précision

Séquençage génétique à la carte, injection mensuelle plutôt qu’hebdomadaire, greffe de microbiote sur mesure : le pipeline pharmacologique est prometteur. Mais la véritable révolution sera sociétale : remboursement équitable des traitements, urbanisme qui incite à bouger, médias libérés de la stigmatisation. Sortir l’obésité de l’ombre, c’est la traiter enfin comme toute maladie chronique digne de ce nom.

Votre parcours, votre victoire

Rappelez‑vous : vous n’êtes pas un échec diététique mais le patient d’une maladie chronique complexe, documentée et surtout traitable. Chaque rendez‑vous, chaque pas, chaque ajustement posologique constitue une pierre sur le chemin de la rémission durable. Et si jamais la balance grimace, dites‑lui : « Je suis en route, et le meilleur est à venir. » Parce qu’il l’est vraiment.

Références

  1. World Health Organization. « Obesity and overweight ». Fiche d’information, mise à jour mars 2024.
  2. American Medical Association. « AMA Adopts Policy Recognizing Obesity as a Disease ». Communiqué, juin 2013.
  3. Deng T., Liu Y., et al. « Global prevalence of obesity from 1990 to 2022 ». The Lancet, 2024.
  4. Clément K., et al. « A mutation in the human leptin receptor gene causes severe obesity ». Nature, 1998.
  5. Wilding J.P.H., et al. « Once‑weekly Semaglutide in Adults with Overweight or Obesity ». New England Journal of Medicine, 2021 (STEP 1).
  6. Rubino D., et al. « Effect of Continued Weekly Subcutaneous Semaglutide vs Placebo on Weight Loss Maintenance in Adults with Overweight or Obesity ». JAMA, 2022 (STEP 5).
  7. Jastreboff A.M., et al. « Tirzepatide Once Weekly for the Treatment of Obesity ». New England Journal of Medicine, 2022 (SURMOUNT‑1).

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