La Fashion Week de Paris attire chaque saison les regards du monde entier. Mais derrière les paillettes et les projecteurs, une tendance se dessine avec insistance : le retour de la maigreur. Les podiums, autrefois présentés comme plus inclusifs, semblent à nouveau s’enfermer dans un idéal unique de minceur extrême.
Cette orientation soulève une question centrale : où en est vraiment la représentativité dans la mode ?
Une Fashion Week qui privilégie les silhouettes ultra-minces
Les défilés de prêt-à-porter printemps-été 2026 laissent peu de place à la diversité des corps. Les statistiques parlent d’elles-mêmes. Les mannequins féminins portant une taille 38 et plus, autrefois timides mais visibles, disparaissent peu à peu des podiums.
En 2020, elles représentaient près de 3 % des modèles. Aujourd’hui, elles sont moins de 1 %. Autrement dit, une silhouette que la majorité des femmes portent dans la rue devient presque invisible sur les scènes les plus prestigieuses.
Le paradoxe est frappant : alors que la société réclame davantage de représentations réalistes, les maisons de couture semblent redoubler de nostalgie pour les années où la maigreur dictait la mode.

Un idéal de minceur qui exclut
Ce retour de la maigreur ne concerne pas seulement la taille. Il impose aussi une esthétique particulière : ventre plat, peau sans marques, corps lisse et sans aspérités. Les mannequins grande taille eux-mêmes subissent cette pression.
Comme le rappelle la mannequin et influenceuse Virginie Grossat, même lorsqu’on recrute des silhouettes rondes, il est rare de voir des bourrelets, de la cellulite ou des ventres apparents. Les courbes sont tolérées, à condition d’être parfaitement « glamourisées ».
La diversité reste donc une façade. On célèbre la poitrine, les hanches et les fesses, mais pas la réalité des corps.
Les conséquences pour les mannequins grande taille
Derrière les chiffres se cachent des destins professionnels. Plusieurs mannequins grande taille témoignent d’un net recul des propositions de contrats. Là où elles recevaient plusieurs sollicitations par mois il y a encore cinq ans, elles doivent aujourd’hui se contenter de rares opportunités.
Certaines songent même à se reconvertir ou à s’expatrier vers les États-Unis, un marché plus ouvert à la diversité corporelle. En Europe, la demande s’effondre, signe que le secteur peine à s’affranchir des vieux standards.
Inclusivité en trompe-l’œil
La mode aime se vanter de ses progrès : campagnes avec des mannequins plus âgés, défilés célébrant des origines variées, messages body positive sur les réseaux sociaux. Mais la réalité des podiums montre que l’inclusivité reste souvent un outil marketing plus qu’un véritable engagement.
Il est plus facile de poster un slogan sur Instagram que de transformer concrètement ses castings. Le retour de la maigreur illustre cette contradiction criante.

Une responsabilité collective
Faut-il alors se résigner ? Non. Car la mode n’existe pas sans spectateurs. Les consommateurs, les médias, les influenceurs ont un rôle à jouer. En refusant les diktats et en soutenant les marques réellement inclusives, ils peuvent peser sur le secteur.
Des créateurs indépendants, souvent en marge des grandes maisons, continuent d’oser des défilés avec des corps variés. Leur succès prouve qu’une autre voie est possible.
Vers une nouvelle vision de la beauté
Le retour de la maigreur n’est pas une fatalité. L’histoire de la mode montre que les canons évoluent en fonction des époques. Après les années 90 marquées par l’ultra-minceur, les années 2010 avaient amorcé un tournant plus inclusif. Aujourd’hui, l’heure est à la vigilance pour éviter une régression durable.
La beauté ne devrait pas se limiter à une taille ou une silhouette unique. La mode a le pouvoir d’influencer l’imaginaire collectif, d’ouvrir des horizons au lieu de les restreindre.
Ne pas laisser la maigreur redevenir la norme
Le retour de la maigreur sur les podiums est un signal d’alarme. Il rappelle que les acquis en matière de diversité corporelle sont fragiles. L’inclusivité ne peut pas être une simple parenthèse marketing, elle doit devenir un engagement durable.
Tant que les podiums resteront fermés à la pluralité des corps, la mode passera à côté de son époque. Car la vraie modernité ne réside pas dans la nostalgie d’un idéal restrictif, mais dans la célébration de la réalité : des femmes multiples, belles et inspirantes, bien au-delà des tailles imposées.
Images par IA