Pour beaucoup de femmes rondes, la mode reste un terrain de frustration et de renoncement : peu de marques proposent leurs tailles, et encore moins les tendances. Dans ce contexte, des plateformes comme Shein, emblème de l’« ultra fast-fashion », apparaissent comme une des rares options accessibles. Pourtant, derrière cette accessibilité se trouve un débat complexe entre inclusion, éthique et responsabilité. Cet article explore pourquoi l’ultra fast-fashion est aujourd’hui pour les personnes grosses l’une des seules options vestimentaires abordables : entre nécessité, critique et pistes d’avenir.
Pourquoi l’ultra fast-fashion apparaît comme une « seule » solution ?
Qu’est-ce que l’ultra fast-fashion ?
L’ultra fast-fashion désigne des marques qui produisent très rapidement et en très grandes quantités des vêtements tendances, à petits prix, avec des cycles de renouvellement très courts. Ce modèle est depuis longtemps critiqué pour son impact environnemental (émissions, déchets textiles, microplastiques) et pour ses conditions de production dans les chaînes d’approvisionnement.
De fait, lorsqu’une femme ronde se tourne vers Shein ou équivalent, elle entre dans ce système à plusieurs niveaux : celui de la mode accessible, celui des contraintes économiques, et celui des alternatives limitées.
Accessibilité : un facteur déterminant
Pour les corps ronds, la question de la taille n’est pas un simple détail : nombre de marques grand public s’arrêtent autour de la taille 52/54 (3XL), voire moins. Certaines personnes rondes témoignent que les marques « éthiques » ou « slow fashion » ne vont pas au-delà, ou quand elles le font ce devient très coûteux.
Par conséquent, Shein – qui propose jusqu’à la taille 68 (dans certains cas) – apparaît comme une option unique. Dans ce contexte, l’argument selon lequel « on n’a qu’à choisir une marque éthique » semble injuste pour nombre de personnes concernées : elles nous disent qu’elles n’ont pas le choix.
Une question de prix et de classe
L’argument économique ne peut pas être ignoré. Le coût des vêtements « responsables » ou « durables » est souvent plus élevé, et s’adresse à des ménages ayant davantage de marge financière. Or les statistiques montrent que les personnes en situation de surpoids ou d’obésité sont davantage issues de catégories socioprofessionnelles moins favorisées. Ce double facteur taille + prix crée une double peine.
En résumé : pour une femme ronde qui souhaite acheter une robe tendance, à prix abordable, et dans sa taille, l’ultra fast-fashion peut paraître non pas un choix idéal mais le seul choix possible.

Les contradictions et critiques du modèle
Inclusion contre éthique : un dilemme
Même si l’inclusion des tailles est un progrès (mettre au-delà du 44, du 46, proposer du 58, du 68), cela ne résout pas toutes les questions : la qualité des vêtements, la durabilité, les conditions de production, l’impact environnemental restent des sujets critiques. Et c’est là qu’un dilemme pour les personnes rondes apparaît : choisir l’accessibilité ou les valeurs.
Grossophobie et stigmatisation dans le discours
La critique de l’ultra fast-fashion par certains milieux peut parfois tomber dans une forme de stigmatisation vis-à-vis des personnes grosses : « pourquoi tu achètes ça alors que c’est polluant, tu devrais faire autrement ». Mais ignorer que les alternatives sont quasi inexistantes pour elles, c’est manquer de compréhension.
Limites du vêtement grande taille dans les marques éthiques
Même les marques qui affichent une conscience « durable » butent souvent sur l’inclusion taille : soit les tailles s’arrêtent trop tôt, soit le prix est dissuasif. Quelques raisons : coût du “grading” (élargissement des tailles), complexité de la coupe pour corps plus généreux, et marge plus faible dans les petites marques.
Ainsi, la personne grosse se retrouve coincée entre : la marque ultra-rapide mais inclusive en taille, ou la marque responsable mais non inclusive → choix difficile.

Une vision tournée vers l’avenir : pistes pour s’habiller autrement
Réinterroger la notion de « seule option »
Il est important de reconnaître que l’ultra fast-fashion n’est pas condamnable parce que des personnes rondes s’y tournent : c’est un symptôme d’un système qui ne leur offre pas assez d’alternatives. Donc, à l’avenir, il s’agira d’exiger davantage de la part du secteur : inclusion taille + qualité + durabilité.
Soutenir et promouvoir les marques plus inclusives
Chercher les marques qui offrent des gammes « curve », « plus size », jusqu’au 58/60/62 voire plus, tout en adoptant des pratiques plus respectueuses (moins de gaspillage, meilleures conditions de production). Même si le prix est un peu plus haut, il peut être un investissement dans une garde-robe pensée pour durer.
Mobilisation collective et pression sur les marques
Le fait que les marques éco-responsables soient lentes à inclure les grandes tailles n’est pas une fatalité : les consommatrices, les réseaux, les influenceuses peuvent demander, alerter, influencer.
Consommation réfléchie et valorisation de son budget
Même au sein de l’ultra fast-fashion, il est possible de repenser sa consommation : acheter moins, choisir des pièces que l’on va porter souvent, attendre les soldes/ventes, privilégier les éléments qui fonctionnent longtemps. Cela ne règle pas tout mais aide à limiter l’impact personnel.
Parallèlement, valoriser la seconde main peut être une option — mais elle aussi souffre d’un manque criant de tailles larges.
L’ultra fast-fashion, avec ses marques à petits prix proposant jusqu’à la taille 68, s’impose aujourd’hui comme l’un des rares chemins accessibles pour les femmes rondes qui souhaitent s’habiller avec les tendances. Mais cette “solution” cache une double contrainte : l’absence d’alternatives véritablement inclusives et éthiques pour les corps ronds. Face à cette réalité, il ne s’agit pas de juger les choix individuels, mais de relever le défi collectif : exiger de la mode qu’elle change — qu’elle soit inclusive, durable, juste et respectueuse de toutes les tailles.
Images par IA









