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Le métier de mannequin grande taille semble, de l’extérieur, un univers de glamour, de défilés et de campagnes prestigieuses. Pourtant, derrière les photos retouchées et les podiums, la réalité est plus rude. Les femmes qui posent fièrement pour représenter la diversité des corps se heurtent encore à des exigences qui rappellent que l’inclusivité dans la mode reste fragile.

Être « plus size », mais pas trop

Depuis une dizaine d’années, l’industrie de la mode se targue d’ouvrir ses portes aux morphologies au-delà du 36. On applaudit des mannequins pulpeuses en couverture de magazines ou dans des publicités télévisées. Pourtant, le marché impose encore une limite invisible.

Les agences recrutent des filles rondes, mais leur demandent de rester dans un cadre précis : ventre plat, hanches marquées, silhouette tonique. Autrement dit, des courbes contrôlées, calibrées. Une mannequin grande taille ne doit ni prendre du poids, ni en perdre trop. Ses mensurations deviennent une cage dont elle ne peut pas sortir.

Une discipline de fer

Le corps devient un outil de travail à surveiller. Beaucoup de mannequins grande taille racontent devoir aller plusieurs fois par semaine à la salle de sport, suivre des régimes stricts, compter chaque calorie. Certaines développent des troubles alimentaires, pris dans l’étau des injonctions contradictoires : représenter la diversité, tout en se pliant à des standards quasi irréalisables.

Les marques, de leur côté, entretiennent cette ambiguïté. Elles veulent prouver qu’elles sont inclusives, mais sans trop bousculer les codes. Résultat : une seule mannequin grande taille par campagne, des vêtements moins nombreux attribués lors des shootings, et une impression d’être tolérée plus que célébrée.

La violence des castings

Si les défilés semblent ouverts à la diversité, les castings rappellent une autre vérité. Les mannequins grande taille doivent souvent « prouver » davantage leur professionnalisme. Montrer qu’elles sont aussi photogéniques, dynamiques et polyvalentes que leurs homologues standard.

Certaines témoignent de regards méprisants, de remarques déplacées, ou de vêtements mal adaptés à leurs corps. L’expérience vire parfois à l’humiliation, notamment lorsqu’une pièce ne ferme pas, ou lorsqu’un styliste semble mal à l’aise en les habillant.

Le poids des réseaux sociaux

Le numérique, censé donner plus de visibilité, se transforme aussi en arène cruelle. Une vidéo ou une campagne peut générer des millions de vues… et des torrents de commentaires haineux. Certaines mannequins grande taille ont vu leur image disséquée, critiquée, moquée, simplement parce qu’elles n’incarnaient pas l’idéal de minceur encore dominant.

Être exposée médiatiquement, c’est aussi devoir encaisser la violence anonyme des internautes. Une charge supplémentaire à gérer, qui s’ajoute à la pression des agences et des marques.

Le terme « plus size » en question

Beaucoup de professionnelles dénoncent aussi le vocabulaire employé. Se voir étiquetée « plus size » peut créer un sentiment d’imposture. Pourquoi souligner que ces mannequins sont « à part », au lieu de les intégrer simplement à la profession ?

Cette distinction entretient la stigmatisation et ralentit la normalisation de la diversité corporelle. Comme si être ronde était une particularité, et non une réalité parmi d’autres.

Une visibilité en recul

Alors que le mouvement body positive semblait marquer une avancée irréversible, les podiums des grandes Fashion Weeks montrent une autre tendance. Selon une étude récente, moins de 1 % des mannequins présentés à Paris, Milan ou New York étaient grande taille.

Un chiffre glaçant qui démontre que l’industrie oscille au gré des tendances. Quand la minceur revient en force, les mannequins grande taille voient leurs contrats diminuer. Certaines, faute de travail, doivent même abandonner le métier.

L’illusion d’inclusivité

La contradiction est là : les marques affichent une volonté de représenter toutes les femmes, mais l’application reste superficielle. Les mannequins grande taille sont présentes, mais souvent en minorité, cantonnées à des rôles symboliques.

On célèbre leurs courbes dans les slogans, mais on les contraint à respecter des normes qui contredisent le message. L’inclusivité devient alors un outil marketing plus qu’un engagement réel.

Vers un changement durable ?

Pour que le métier de mannequin grande taille soit reconnu à sa juste valeur, il faudra dépasser la simple vitrine. Cela suppose de repenser la formation des équipes créatives, d’élargir réellement les gammes de tailles, et surtout d’abandonner l’idée qu’un corps doit entrer dans une case fixe.

La société évolue, les clientes réclament des vêtements adaptés et beaux pour toutes les morphologies. Reste à savoir si les grandes maisons de mode auront le courage de suivre le mouvement au-delà des effets d’annonce.

Les réseaux sociaux comme espace de résistance

Si les réseaux sociaux peuvent être un lieu de haine, ils sont aussi devenus des espaces de visibilité et de solidarité pour les mannequins grande taille. Instagram, TikTok ou YouTube permettent à ces femmes de créer leur propre image, loin des contraintes imposées par les agences. Elles y partagent leurs shootings, leurs routines de bien-être, et parfois leurs galères du quotidien. Cela crée une proximité nouvelle avec le public, qui se reconnaît dans ces témoignages bruts et sincères.

Certaines communautés se sont même organisées pour soutenir activement les mannequins grande taille face aux critiques. Les hashtags #BodyPositive ou #CurvyModel rassemblent des milliers de publications et rappellent qu’il existe une alternative aux diktats de la minceur. Grâce à ces espaces, les mannequins ne dépendent plus uniquement des marques pour être vues. Elles deviennent leurs propres ambassadrices, capables d’inspirer et d’influencer sans passer par le filtre de l’industrie.

Cette autonomie marque une étape essentielle : elle prouve que la demande pour une mode plus inclusive vient aussi d’en bas, portée par des voix puissantes et déterminées. Les réseaux sociaux transforment ainsi les mannequins grande taille en figures d’empowerment, bien au-delà du podium.

Une bataille en cours

Être mannequin grande taille aujourd’hui, c’est à la fois incarner l’espoir d’une mode plus inclusive et subir les contradictions d’une industrie frileuse. Les paillettes cachent une réalité faite de discipline, de jugements, et de luttes permanentes pour obtenir une place légitime.

Ces femmes ouvrent pourtant la voie à une génération qui refuse la standardisation. Le jour où elles ne seront plus appelées « plus size », mais simplement mannequins, on pourra enfin parler d’une révolution accomplie.

Images par IA

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